Le réveil était toujours la partie difficile. Non pas du fait de se lever en lui même, mais ce que commencer une nouvelle journée impliquait; voir tout ces visages si familiers, mais appartenant à de parfait inconnus ; sourire à des gens que vous reconnaissez comme vos proches, que vous avez connu toute votre vie, mais pas exactement ; manger avec votre famille avec une place étrangement libre, alors que vous seul ne remarquez ce problème ; et finalement, à chaque matin qui vient, se demander si tout ces souvenirs en désaccord avec la réalité avaient une part de vérité en eux, ou s'il ne s'agissait que de rêves issus de l'imagination d'un enfant ayant regardé trop de télévision.
Mais la routine quotidienne devait continuer. Ainsi, comme tout les jours, il se forçait à vivre dans ce milieu proche du réel. Aller en cours, discuter avec ses camarades, faire la discussion, une répétition constante de situations qui se ressemblaient toute les unes aux autres. Il lui était devenu simple de faire semblant, de suivre la conversation alors qu'il ne voyait que ce qu'il n'allait pas ; Les noms et prénoms n'allant pas avec les visages qui les portaient, les détails des vies de chacun étant différents de ce dont il se souvenait, et à force il avait appris à considérer toutes ces personnes comme de mauvais remplacements. Évidemment, il ne pouvait avoir la confirmation de l'existence de toutes ces petites erreurs, donc il continuait de garder ça pour lui-même.
Mais des fois, il l’apercevait. Contrairement aux autres, rien chez lui n'était erroné, tout les détails étaient bon ; son nom, son visage, son âge, sa personnalité, tout semblait coller à ces lointains souvenirs d'une autre vie, à un détail près. A chaque fois, à chacune de ces rencontres, il lui venait l'envie, le besoin de l’appeler. Mais en plein milieu de la rue, ils n'étaient l'un pour l'autre que des étrangers. Même pour ceux qu'il appelle ses parents, ce jeune homme ne serait qu'un inconnu, et la table à manger garderait une place vide, et il manquerait toujours un lit dans cette maison.
Malgré tout le temps passé ici, il ne pouvait non plus s'habituer aux années qui semblaient décalées. A chacun de ses anniversaires, et à chaque nouvel an, il se retenait à la dernière minute d'écrire l'année à laquelle il devrait être, où l'âge qu'il se souvenait avoir cette même année. Le temps semblait passer à la fois lentement, et incroyablement vite. Avant même qu'il ne s'en rende compte, il était déjà adulte, et il avait même dépassé l'âge que cette personne avait la dernière fois qu'ils s'étaient parlé. Tout les jours se ressemblaient, se mélangeaient, et ne formaient qu'un quotidien sans intérêt. Petit à petit, il commençait même à ne plus l'apercevoir, cette personne qui correspondait presque à ses souvenirs.

Ce matin là, ses yeux étaient plus lourds que d'habitude. Le réveil était toujours la partie difficile, mais cette fois, l'effort pour se lever fut plus important. A son réveil, son cœur semblait plus lourd, et malgré son sommeil, il se sentait fatigué. Puis après quelques secondes, il se rendit compte ; ni dans son sommeil, ni à son réveil, il n'avait pensé à ce passé incertain qui l’obsédait depuis si longtemps. Peut-être s'était-il finalement résigné, à l'idée que ces souvenirs ne soient que l'issu d'un rêve dont il se souvenait un peu trop. Troublé, il décida cependant de continuer sa routine. Mais à certains moments, il fut plus distrait, moins attentif et parfois il eut l'air visiblement détaché de son entourage, à fixer le vide. Encore une fois, le temps semblait jouer des siennes, une heure se compressant en une minute, ou une seconde s’allongeant en une vingtaine de minute. Il contempla le sol, longuement, sans y faire attention, réfléchissant plutôt à son état d'esprit et aux absences qu'il avait. Même s'il avait eut tord de se séparer en lui des gens autour à cause de sa mémoire défectueuse,  il ne pouvait soudainement changer son opinion d'eux. Sa réflexion fut cependant coupée alors qu'il se rendit compte que la majeur partie de sa classe avait déjà quitté la salle pour le déjeuner. Marche après marche, descendant l'escalier qui menait vers la sortie, inattentif aux bruits autour de lui, tout ce qu'il eut l'envie de faire était de s'endormir pour ne jamais se réveiller. En sortant de son établissement, il se sentit un peu perdu, ne savait pas où aller déjeuner. Même après s'être décidé à simplement aller à un supermarché du coin, sa réflexion l'empêchait de  se décider, et peut-être n'avait-il simplement pas faim. Il prit juste une boisson, et passa à la caisse, se demandant si ces faux souvenirs auraient pu surgir d'une envie de s'échapper, de quitter ce monde. Mais même lui trouvait cela un peu sombre comme pensée, mais continua de réfléchir à la possible signification de tout cela. La fin de journée vint aussi vite que la matinée partit, et rentrant chez lui en silence, il remarqua un petit paquet posé sur le bas de sa porte. Le ramassant, il l'examina de plus prêt ; son nom était marqué dessus, mais il n'y avait que ça, aucune trace d'un expéditeur, voir même une information du livreur. Intrigué par le petit colis mais restant suspect, il le prit avec lui dans sa chambre, se posant devant son bureau. Ouvert en deux par un paire de ciseaux, il trouva en premier une simple lettre de papier, qui semblait s’adresser à lui.

Mon très cher ami
Comment vas tu ? J'espère que le monde qui t'entoure te plaît. Même s'il peut différer de ce que tu t'attendais, ce monde humain est le mieux que je puisse t'offrir. As-tu pû te faire de nouveaux amis ? Je sais que ta famille n'est pas celle que tu m'avais décrit, et qu'il y manque une personne. Mais peut-être l'as tu rencontré ici ? En espérant que vous pussiez vous entendre même sans lien de sang, je t'encourage à essayer de lui parler si tu n'as pu le faire avant.
Malgré tout, il se peut que tu ne te trouve pas à ta place parmi ces gens. Si après tout ce temps tu ne te trouve pas à l'aise, je ne te forcerai pas à rester plus longtemps que ça. Si tu souhaite visiter mon royaume, je ne peux malheureusement plus t'en donner la possibilité. Je peux cependant te donner une clé qui te mèneras vers un autre royaume. Je ne sais pas si tu rencontreras un roi de ma grandeur là-bas, mais peut-être pourras tu t'y plaire, voir même préféreras tu ce monde au tien. S'il te vient l'envie d'y aller, je me suis arrangé pour que ta sécurité soit assurée, donc n'aie aucune crainte.
Sincèrement, ton vieil ami.
Serrant la lettre entre ses doigts, il la reposa sur son bureau, avant d'examiner le contenu du paquet. A l'intérieur, il n'y trouva qu'une chose, de petite taille mais de grande importance ; un petit objet électronique pouvant tenir dans sa main, qu'il avait déjà possédé il y a bien longtemps. Au dos se trouvait un symbole qu'il reconnu, et ainsi, ce simple petit colis avait effacé tout les doutes de son cœur. Il savait déjà comment utiliser la clé qu'il avait reçu, et même après toutes ces années, il ne put se lier à cet entourage. Sa disparition n'aurait affecté personne. Soulagé d'avoir enfin une sortie, il pointa l'objet vers son écran d’ordinateur, qui illumina la pièce.

La prochaine fois qu'il se réveilla, ses paupières avaient l'air plus légère. Au dessus de lui, il pouvait voir un vaste ciel bleu, parsemé de nuages blancs mais aussi découpé à certains endroits par de fines lignes blanches. Le ciel ne lui avait jamais semblé beau ou impressionnant, sauf cette fois là, encadré par des arbres mélangés à de larges tuyaux. Il resta allongé là, observant le ciel, reconnaissant ce ciel et ces arbres, le cœur soulagé. Après 10 ans, il revoyait enfin ce monde.
Ce moment de repos fut cependant interrompu lorsqu'une ombre vint lui obstruer la vue. La forme qui jetait l'ombre sur lui semblait aussi petite qu'elle était large, mais il arrivait quand même à reconnaître une paire d'oreilles mais aussi une paire de queues. Se relevant pour examiner ce personnage, il remarqua quelques détails qui ne lui inspirait pas confiance ; le petit être, d'à peu près 1 mètre de haut, recouvert d'un large sweat-shirt dont la capuche recouvrait totalement son visage en ne laissant apparaître que ses yeux jaunes parfaitement ronds, et possédait aussi un vulgaire visage sur le haut de cette capuche, avec les oreilles qui allaient. Mais ce qui n'allait vraiment pas, c'était surtout trois anneaux dorés, un autour du cou, un autre autour de la patte droite, et un dernier autour d'une des queues du félin. Ces anneaux étaient un signe clair de l'attribut angélique de l'individu, et ainsi rappelait de très mauvais souvenirs. De lointains souvenirs, à une époque où les anges inspiraient surtout la peur en lui. Le petit être s'introduit au jeune homme, d'un manière assez rude, et en réponse, il fit de même. Malgré sa petite taille, ce petit individu semblait prendre le garçon de haut, et demanda sur le champ s'il possédait l'emblème d'un autre roi. Même si assez cryptique comme requête, il lui était facile de se rendre compte que le signe demandait ne pouvait être que le symbole qu'il avait reçu. Lorsqu'il le sortit de sa poche pour lui montrer, le petit appareil se mit à briller d'une douce lumière, devenant plus forte alors qu'il rapprocha l'objet de son interlocutrice. La lumière enveloppa la petite clairière où ils se trouvaient au moment où l'appareil rentra en contact avec elle. Tout deux restèrent muets un instant, le jeune homme se rendant compte de ce que cela signifiait. Il n'aimait pas ce qu'il avait compris, et il fit l'erreur de laisser un petit « tsk » ressortir, au quel le plus petit des deux personnages répondit en demandant à qui cela était adressé, en y rajoutant un peu plus de personnalité. Cette derniere changea cependant de sujet, proclamant à l'humain devant lui qu'ielle s'assurerait à présent de sa sécurité, et lui demanda où il souhaitait aller. Le jeune homme prit une seconde pour réfléchir, lui répondit simplement qu'il souhaitait voir le monde où ils étaient. Et ainsi ils se mirent en route, vers une direction choisie au hasard, afin de visiter ce merveilleux monde digital.